Vos dessins représentent souvent des coureurs. Comment votre pratique de la course à pied vous a-t-elle inspiré des œuvres comme « Celui où c'est le printemps » ?
Je m'intéresse vraiment à l'impact de la course sur le corps et l'esprit, à la façon dont elle illumine la surface – la beauté de l'action – mais aussi à la question de savoir comment, sur ce chemin de vie, nous retrouvons-nous et sommes-nous sur la bonne voie ? Nous retrouvons-nous, et parfois non ?
C'est comme être à nouveau entre deux mondes, n'est-ce pas ?
Tout à fait. Je voyage beaucoup, donc ce sentiment de nomade résonne en moi. Où est-ce que je cours et reviens ? Pourquoi ce mouvement constant ? Parfois, je me dis que c'est plus confortable. Surtout en tant qu'artiste, c'est tellement bon d'être inspiré par des lieux différents et de rencontrer des gens aussi différents – c'est presque trop facile. C'est spécial, car on profite du déracinement, des liens créés ailleurs et de la rencontre avec des gens qui sont les nôtres. En voyageant, on quitte soi-même et on se retrouve, mais sous une autre forme. On vit une vie différente, mais c'est une version de soi, comme nos amis sont des versions de nous-mêmes et nous, des versions d'eux.
En 2014, vous avez décidé de vous installer complètement à Lagos, après une première visite en 2011. Parlez-moi de votre vie là-bas et de la façon dont elle inspire votre pratique.
Être ici est magnifique. Il y a une compression d'énergie, car nous n'avons pas toujours de lumière. Nous n'avons pas toujours d'eau. La vie peut être mouvementée. Ces défis entraînent une compression du temps et de la concentration. Je réalise aussi de grandes peintures à l'huile, ce qui est assez récent dans ma pratique, et je peins très vite. Je pense que c'est un cadeau de voir ce qui est possible dans de telles contraintes, surtout pour les créatifs : ce qui manque devient une ouverture vers le possible.
J'aime la façon dont vous voyez tant de beauté dans ce que certains peuvent considérer comme du chaos…
Parfois, on marche dans la rue, il fait chaud, il y a du monde, les gens vont au travail ou ailleurs. Si je salue une femme âgée, je dis « Bonjour, ma tante ». Et elle me répond simplement « Bonjour, ma chérie ». Sa façon de le dire est si douce et affectueuse. On ressent un profond réconfort, une reconnaissance et une attention particulière. Les gens se bousculent, mais il y a des moments… Si vous montez dans le bus, il arrive qu'un inconnu paie votre ticket. Je trouve ça très émouvant, car les gens n'ont pas grand-chose et pourtant, ils ont des gestes très humains.
Comment vos dessins reflètent-ils ce sentiment ?
Ces bulles magiques se retrouvent également dans le dessin. On peut le regarder et y entrer. Cela nous emmène hors de notre environnement et nous permet de vivre un moment différemment. Ces ouvertures dans une ville animée sont exquises, quelque chose qu'on s'attendrait à trouver dans un village ou une petite ville.